Les aidants proches reconnus

La loi du 17 mai 2019 relative à la reconnaissance des aidants proches est entrée en application. Ces derniers ont désormais un statut et des congés thématiques accordés. Enfin ! disent les quelque 800.000 personnes concernées en Belgique.

Après plus d’un an de retard, le congé spécial pour aidant proche et le statut qui l’accompagne sont finalement d’application depuis le 1er septembre. Une nouvelle importante, passée presque inaperçue dans l’actualité dominée par la crise de coronavirus et la formation du gouvernement. Cette avancée aurait déjà dû être d’application le 1er octobre 2019; l’accumulation de retards en a décidé autrement. Mais aujourd’hui, les aidants proches peuvent se réjouir d’avoir gagné une manche, eux qui se considèrent souvent comme des oubliés. L’occasion de rappeler toute leur importance avec Céline Feuillat, chargée de projets et porte-parole à l’asbl Aidants proches.

Quels sont les changements qui vont impacter la vie de ces personnes?
« Les aidants proches vont pouvoir bénéficier d’une reconnaissance, et pour les salariés du secteur privé et public de congés thématiques pour aider davantage leurs proches. Pour l’asbl, cette reconnaissance va servir de levier pour obtenir du prochain gouvernement d’autres avancées sociales, notamment en ce qui concerne la pension. Une première étape qui en appelle d’autres », explique Céline Feuillat. Trop complexes pour être présentées en quelques mots, les conditions d’obtention de la reconnaissance et du congé thématique sont présentes sur les sites des différentes caisses d’allocations sociales.

Des femmes majoritairement concernées

Parmi les 10% de la population concernés, peut-on dégager un profil type de l’aidant proche?
« Même s’il est difficile de généraliser, l’aidant proche est principalement une femme. Qui travaille, est mariée et a des enfants. Celle qui fait partie de ce que nous nommons la génération sandwich.
Prise entre des parents vieillissants et des grands enfants encore à charge. Une femme qui a souvent mis sa carrière en mode pause ou réduite pour s’occuper d’un proche dans le besoin », précise la chargée de projets.

Mais quelles sont les plaintes formulées par les aidants?
« Je ne parlerais pas de plaintes, précise Céline Feuillat, mais de besoins. Prioritaires, comme celui de pouvoir bénéficier d’un répit, au niveau aussi bien professionnel que personnel tant la double charge est lourde à porter. L’épuisement a été constaté par de nombreuses études. Concilier toutes ces tâches se révèle très compliqué, très lourd à porter. Le congé thématique sera donc le bienvenu. Des aidants proches qui sont aussi dans le besoin d’informations, de possibilité d’expression. » Cette avancée sociale est d’autant plus importante en ce moment où la crise sanitaire que nous traversons a impacté la situation de ces « saint-bernard ». « Le Covid-19 a effectivement énormément compliqué (et complique toujours) les choses. Avec la Haute Ecole de Gand, nous avons réalisé une étude à ce sujet, dont les premiers résultats montrent que l’isolement social vécu par les aidants proches a énormément augmenté depuis mars. Par l’arrêt ou la réduction importante de nombreux services, beaucoup d’aidants proches se sont retrouvés livrés à eux-mêmes pour gérer leurs proches dans le besoin. Avec les conséquences que l’on devine sur leur santé, dont une hausse du stress. »

Une réalité difficile à vivre

Derrière la froideur du texte législatif se cache un quotidien pénible et épuisant. Celui vécu par les aidants proches, environ 800.000 en Belgique. Des femmes et des hommes qui ont décidé de sacrifier une large part de leur vie pour la dédier au soutien d’un proche aimé. Comme Diane, une jeune quinquagénaire croisée sur un forum. Seule, elle accompagne et s’occupe de sa maman de 87 ans. « Pour moi, ce statut constitue une belle récompense du travail que j’effectue jour après jour. Je ne suis plus une ombre. Enfin ! Même si tout ce que je recherche, finalement, c’est le bien-être apporté à ma mère, pour lui permettre une fin de vie plus agréable. Avec mon travail à temps partiel, j’ai le temps pour ses courses, les démarches administratives ou médicales. Et je n’ai pas le choix, je n’ai pas les moyens d’envisager un placement en maison de repos », précise-t-elle. La voix de Diane témoigne d’une certaine fatigue.

La situation est-elle plus pénible à supporter en cette période de crise liée au Covid-19?
« Oui, c’est vrai, les derniers mois ont été plus éprouvants que d’ordinaire. Avec la grande crainte d’être contaminée et de ne plus pouvoir exercer mon rôle d’aidant proche. Celle aussi de contaminer ma mère et de devoir faire face à une hospitalisation ou pire, à son décès. Le confinement a donné lieu aussi à un ralentissement des services d’accompagnement disponibles. Comme les femmes de ménage, les commandes de repas etc. Et donc à du travail supplémentaire pour moi. Alors oui, c’est vrai, je suis épuisée. Mais j’ai toujours la force et la volonté de continuer. »

Souvenez-vous, lors du confinement les membres du corps médical ont été applaudis chaque soir. Geste mérité, il va sans dire. Mais qui serait tout aussi approprié pour ces centaines de milliers d’anonymes qui mettent ces valeurs chrétiennes au service des autres. Des aidants proches… du cœur.

✐ Philippe DEGOUY

Journal Dimanche n°33 – 20 Septembre 20

www.aidants-proches.be